Histoire de Flama (5)

Publié le par Alda

        

Avertissement : ce qui suit est le fruit des délires utopistes d'une adolescente et n'a pas la moindre valeur économique. Merci.


Elle se retrouva seule à la tête de l’État. Et elle n’y comprenait pas davantage. Un beau jour de la deuxième année de son règne, alors qu’elle recevait un artisan de Léidi, elle se demanda soudain quelle était, au juste, la monnaie caramène.

« La quoi ? fit l’artisan. Mais il n’y en a pas, ma pauvre petite... Vous comprenez, je pense, que ce serait la plus haute inutilité dans un pays où le moindre magicien est capable de multiplier les choses à volonté ?

- Mais ça ne va pas, ça ! fit Flama. Il faut que j’y remédie. »

Elle avait grandi dans une ville de marchands, et ne pouvait tout simplement pas imaginer régner sur un pays qui ne connaissait pas l’argent. Elle demanda donc à la lignée d’Allimara de lui faire apparaître un bon tas d’or, et elle introduisit la monnaie de Daber, le yugin, en Mazya-Caramina. Du jour au lendemain, les Caramènes durent faire face à des notions aussi exotiques et barbares que la finance, l’épargne, le taux de change, le prix officiel du kilo de sibolgues, la vie qui augmente. Cela ne fut pas aisé. Les marchands s’emmêlaient avec la monnaie de leur client, les clients donnaient une fois sur deux le double du prix nécessaire. Et Flama commençait à déprimer sérieusement. Elle ne mangeait presque plus, et même Norédanal commençait à s’inquiéter des cernes qui marquaient ses yeux verts.

« Ce n’est pas possible ! » gémissait-elle, affalée sur son trône. Que n’aurait-elle pas donné pour avoir un bon fauteuil moelleux à la place ! « Je n’y comprends rien... ce n’est pas mon pays... je ne suis pas faite pour être reine, c’est tout ! Mazya, aide-moi, implorait-elle sa tante qu’elle n’avait jamais connue.

« Majesté ? » appela alors une voix. Flama leva la tête, surprise. Ce n’était pas Mazya, mais un vieux monsieur vêtu d’un long manteau bleu, qu’elle n’avait jamais vu de sa vie.

« Vous êtes ?

- Géonado Ellaío, répondit le vieil homme en s’inclinant. Vous m’aviez donné audience pour ce matin, vous vous souvenez ?

- Ah, c’est vrai... soupira la Reine. Mais d’après votre allure, vous êtes un magicien... Et les magiciens m’ont tous laissée tomber.

- La Lignée d’Allimara vous a peut-être laissée tomber, Flama, mais ils ne sont pas les seuls magiciens du pays ! Il y en a des centaines d’autres, sans lignée particulière, mêlés à la population caramène dont ils font partie... Et puis il y a aussi un groupe que les gens ont, je trouve, un peu trop tendance à oublier. La Lignée de Dirayella ne remue peut-être pas autant d’air que celle d’Allimara, mais elle n’est pas moins puissante.

- Dirayella ?

- Lanuri-Lella avait deux filles, des jumelles : Allimara, que l’on appelait Alli, et Dirayella que tout le monde surnommait Ella. Contrairement aux Allyí, les Ellyí ne se transmettent pas l’héritage seulement pas les femmes, et moi, Géonado Ellaío, ultime descendant de Dirayella, je puis vous affirmer que tous les magiciens du pays ne vous ont pas abandonnée. »

Flama se sentit un peu réconfortée. Si ce vieux monsieur à l’air affable lui assurait son soutien... Si elle pouvait à nouveau faire confiance à des gens plus sages et plus puissants qu’elle...

« Alors, vous allez... vous allez reprendre le gouvernement ? demanda-t-elle timidement.

- Certainement pas. Si nous le faisions, on risquerait une prise de pouvoir des magiciens sur les gens ordinaires, et c’est précisément ce que Mazya ne voulait pas quand elle a décrété l’Équilibre. Vous êtes la Reine, c’est donc vous qui prenez les décisions... mais vous êtes libre de vous entourer de conseillers qui s’y connaissent en magie, et sachez que nous sommes là pour ça.

- Alors, je peux vous demander un conseil ?
- Allez-y.

- Vous savez que j’ai quelques problèmes depuis que j’ai introduit la monnaie dans le pays...

- Je parlerais plutôt d’un désastre général, Majesté, répondit Géonado avec un sourire. Mais c’est précisément pour cela que je suis là. Vous savez que le problème principal avec les iougginí, c’est qu’il y en a qui en manquent, et d’autres qui en ont trop... Alors j’ai pensé à un moyen pour que tout le monde ait précisément à sa disposition tout l’argent nécessaire. La plupart des magiciens et des fées ont une spécialité, et je suis, personnellement, un spécialiste des arbres. Je pourrais, j’en suis sûr, créer une espèce qui produirait des pièces de monnaie à longueur d’année... Que chaque maire en fasse planter dans son village, et votre problème est résolu. 

- Mais... bredouilla Flama. Ce... ce n’est pas comme ça que c’est censé fonctionner ! Vous allez déséquilibrer toute l’économie, créer une inflation générale, une...

- Flama, nous sommes en Mazya-Caramina ici. Nous ne pouvons pas fonctionner comme dans un pays ordinaire ! Faites-moi confiance : je sais ce que les Caramènes accepteront et ce qu’ils seront capables de comprendre. Ah, un seul ennui : je n’arriverai jamais à faire produire de l’or à un arbre. Est-ce que le cristal ne conviendait pas mieux à vos pièces ? »

Flama s’apprêtait à émettre une objection, mais d’un ample geste du bras, Génoado fit apparaître une image de son arbre à monnaie ; ce n’était guère plus qu’un arbuste, mais Flama le trouva si séduisant, avec ses fines feuilles bleu-vert, son tronc argenté et ses dizaines de petits fruits de cristal, qu’elle finit par s’avouer vaincue. Après tout, puisqu’elle était en Mazya-Caramina, autant s’habituer à la manière caramène de faire les choses...

            Et ainsi l’arbre à monnaie se répandit-il dans le pays. Selmina fut la première ville à en faire pousser, et, petit à petit, les autres régions commencèrent à l’imiter. Et le plus surprenant fut que cela fonctionna ! Après la nécessaire période d’adaptation, le chaos monétaire s’apaisa et la vie reprit comme avant - si ce n’est que Géonado Ellaío avait à présent une place de conseiller permanent au Palais. Petit à petit, il apprit à Flama à s’entourer de gens qui connaissaient ce dont ils parlaient, que ce soit le fonctionnement de la magie ou la culture du blé, et à dialoguer avec les représentants des maires pour déterminer précisément ce dont les villages avaient besoin. Bien sûr, Flama faisait encore des erreurs ; mais il semblait bien qu’elle en fît de moins en moins. Ses cernes parurent diminuer, et elle avait l’air de plus en plus à l’aise sur son trône.

            Quant aux Caramènes, ils se mirent à l’adorer positivement. Dans leur esprit, elle cessa d’être la Diversienne, l’Étrangère, pour devenir Mininaciara, la petite reine dont les gaffes et l’humeur joyeuse divertissaient toute une population. Les gens copiaient sa manière de s’habiller et celle de Norédanal ; certains même s’étaient mis à imiter son accent. ( Elle n’avait jamais réussi à s’en débarrasser. ) Les seuls à n’être guère satisfaits étaient les Magiciens de la lignée d’Allimara, qui ne lui avaient pas encore pardonné de les écarter du pouvoir pour mettre un vulgaire Ellaío à la place. Quand Allaíma mourut en 21.V, sa fille Adamira Alliya, la nouvelle Héritière d’Allimara, quitta tout bonnement Selmina avec ses cliques et ses claques pour disparaître quelque part en province. Cela désola quelque peu Flama, mais elle avait d’autres problèmes à traiter.


Suite


Publié dans Histoire de Flama

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C'est toujours aussi bon, on voit comment les stratégies se mettent en place, tout en restant dans un style vraiment agréable, doux.Et puis ça fait plaisir de voir que Flama trouve sa place !
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