Histoire de Flama (4)

Publié le par Alda

Et ainsi Flama Déolyana, reine théorique de Mazya-Caramina, partit-elle pour l’inconnu, à l’âge de vingt-quatre ans, avec pour tout bagage Norédanal et deux valises. Il n’était pas question de refaire le voyage aventureux qu’avait fait la petite Lumisi âgée de six ans ; Miréno était arrivé à cheval, mais sitôt à Daber, il avait acheté une spacieuse roulotte, et c’est à son bord que les trois voyageurs se dirigèrent vers Armon, où était encore amarré le navire caramène que le Magicien avait emprunté pour venir. C’était la première fois que Flama voyait la mer, et elle était fort impressionnée.

« La mer est aussi importante que la terre dans le pays où vous allez régner, lui précisa Miréno. Il faut que vous vous familiarisiez avec elle. »

Et, pendant qu’il y était, il commença à lui apprendre le caramène, car il pensait qu’il était très utile pour une reine de comprendre ce que lui disaient ses sujets. Mais bien que le voyage fût long, Flama était encore loin de parler couramment la langue quand les passagers du navire débarquèrent au port de Léidi, pour se diriger en chariot vers Selmina.

            Tout étonnait Flama : les prairies, les rivières, les costumes des habitants, les sibolguiers, et toutes les manifestations de magie, de plus en plus fréquente à mesure qu’on approchait de Selmina. A cette époque, l’année 10. V du Décistiami, ce n’était pas encore vraiment une ville, mais c’était déjà presque un bourg, blotti entre les collines autour de ce qui n’était pas encore vraiment un Palais, étant à peine plus grand que la maison de maître Barnel.

« C’est là que je vais habiter ? s’étonna Flama. Ça ne vaut pas Daber. »

Puis, réalisant qu’une reine n’était pas censée dire du mal de son pays, elle se tut, confuse, et se remit à regarder le paysage.

            Selmina était, évidemment, en deuil. Mazya n’était pas morte, mais elle était partie du jour au lendemain, laissant derrière elle ses sujets qui étaient comme autant d’orphelins. Elle avait été la seule Reine qu’ils eussent jamais eue, et ils ne pouvaient pas imaginer la vie sous un autre souverain. Les Selminarí erraient vaguement dans les rues, comme si toute activité avait été soudain suspendue ; même les commères de palier semblaient avoir cessé leurs conversations.

Mais quand on vit un chariot se diriger vers le Palais, la curiosité l’emporta sur la tristesse ; Flama et sa suite traînèrent bientôt derrière leur véhicule tout un cortège de badauds intrigués, qui traversa presque intégralement les Jardins et ne s’arrêta qu’aux portes de la maison de Mazya. Une femme en longue robe, debout sur les marches devant la porte, descendit aussitôt à la rencontre du chariot.

« Bienvenue, Majesté, commença-t-elle. Je suis Miranella, la première chambellane de la reine Mazya. La Reine étant déjà partie, c’est à moi de vous accueillir et de prendre en charge votre arrivée. Tout est déjà organisé pour le couronnement, qui pourra avoir lieu dès ce soir. J’espère que vous avez fait bon voyage ? »

Puis, comme Flama n’en avait pas compris la moitié, Miréno traduisit de bout en bout, et la nouvelle Reine eut une révérence polie sous les regards plus qu’intéressés de la moitié de la population de Selmina.

« Merci, Miranella, répondit-elle tant bien que mal dans un caramène plus que sommaire. Moi être très satisfiée. 

- Oh, Éo », soupira Miranella, et Miréno et elle échangèrent un regard catastrophé.

 

            Mais le couronnement eut lieu tout de même, même si le problème de la couronne faillit bien remettre toute l’organisation en question. Flama était fermement résolue à ne pas porter la couronne de Mazya, pour que tout le monde se rende bien compte qu’elle n’était pas sa tante et qu’elle ne serait jamais. Mais faire fabriquer une autre couronne en l’espace d’une journée ne s’annonçait pas comme une mince affaire, et le nombre de cheveux blancs de Miranella fut sans doute multiplié par deux ou trois alors qu’elle errait désespérément à la recherche d’un orfèvre dans le chaos frénétique où était plongé dans le palais. Finalement, quelqu’un pensa à aller extirper Allaíma Alliya de ses chères études le temps qu’elle fasse apparaître, d’un coup de magie, un charmant petit diadème argenté ; après quoi l’héritière d’Allimara eut une brève révérence polie à l’adresse de sa nouvelle Reine, et lui claqua la porte au nez.

            Mais le couronnement se déroula sans autre problème ( enfin, si l’on passe sur le fait que Flama n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle devait faire et qu’elle était bien en peine de comprendre les instructions que lui chuchotait furieusement Miréno ) et, le lendemain matin, Flama Ière Déolyana était fermement assise sur le trône de Mazya.

 

            Et ainsi commença le deuxième règne de l’histoire de Carami, et il exigea une certaine période d’adaptation, de la part de tout le monde. Celui qui s’habitua le plus vite à sa nouvelle position fut sans conteste le mari de la reine, qui entreprit de se faire habiller par le meilleur tailleur de Selmina, se laissa pousser la moustache car il trouvait que cela lui donnait l’air plus royal, et essaya à longueur de journée toutes les postures possibles pour un homme assis sur un trône. Il renonça également à son titre de Nono pour celui de Roi Norédanal, ignorant résolument que la plupart des sujets de sa femme l’avaient d’ores et déjà rebaptisé le roi Nono.

            Pour Flama, ce fut plus difficile. Pendant plus d’un an, elle dut consacrer ses matinées à des leçons intensives de caramène, jusqu’à être capable de comprendre à peu près correctement les doléances de ses sujets et de rédiger un décret passable. Mais même après cela, elle était encore loin de saisir toutes les particularités de cet étrange pays sur lequel elle avait été appeléée à régner* . Au début, la Chambellane et les magiciens prenaient à peu près toutes les décisions, et Flama se contentait d’observer et de s’instruire ; mais Allaíma vieillit, et Miranella, qui avait déjà décidé qu’elle n’avait pas l’âme d’une gouvernante, finit par se retirer totalement du pouvoir quand elle épousa Miréno Alliyo. Quant à la nouvelle génération des Grands Magiciens, elle se rappela le précepte autrefois posé par Lanuri-Lella : sa tâche était de garder l’Astramène et de surveiller les dangers magiques, et non de se mêler de politique. D’ailleurs, Flama se méfiait assez des magiciens, et après plusieurs disputes retentissantes, ils finirent tous par la déserter petit à petit.

* Non, je ne ressortirai pas cette vieille blague. Faites-le vous-même.


Suite



Flama Déolyana, deuxième reine de Mazya-Caramina

Publié dans Histoire de Flama

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R
 Pour la blague, je ne vois pas, j'ai la mémoire qui flanche.En tout cas, la cission entre le pouvoir politique et les magiciens commence à être bien visible...
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Z
Pour la vieille blague je vais m'abstenir ce coup-ci !
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