Vieilleries, année -6

Publié le par Alda

L'année -7, soit 1999, avait été celle de la Tradition d'Allahva, toujours lisible en ligne à partir de et que j'ai longtemps considérée comme ma meilleure histoire, forte d'un commentaire dithyrambique de mon Lecteur Officiel de l'époque et de l'approbation de mon professeur de français de seconde (que je salue si d'aventure elle passe par là). Ce succès sans précédent fit qu'il me fallut un certain temps pour dégriser et me remettre à écrire : aucun sujet ne me paraissait à la hauteur du chef-d'oeuvre qui avait précédé.

Heureusement, à cette époque, mon frère jouait beaucoup à Age of Empires, et c'est en lui machinant ses scénarios de mission (car il n'y avait pas tellement d'intérêt à s'écrire ses scénarios soi-même) que je créai la Plaine. Aujourd'hui, elle s'appelle la Cardamie et elle se trouve à l'est du continent Nord-Mintral, mais elle a longtemps existé comme un petit monde à part, sans lien avec le reste de mon univers. La Plaine, comme son nom l'indique, est plate (essentiellement parce qu'à Age of Empires première version on n'était pas encore très au point sur les montagnes), et si les deux histoires qui s'y déroulent ont toujours porté le nom de code de Moyenâgeux I et Moyenâgeux II, c'est parce que la civilisation qui s'y trouve est, eh bien, vaguement médiévale. C'est-à-dire qu'il y a des châteaux forts, des villes avec des remparts de partout, des quantités invraisemblables de rois, de reines, de princes et de princesses, qu'on s'y bat avec de grandes épées et qu'on s'y promène beaucoup à cheval. En revanche, il n'y a pas de magie - pour des raisons diverses, la première étant qu'à quinze ans la magie m'intéressait moyennement (je commençais à préférer les histoires d'amour).

La Plaine, donc, est divisée en trois royaumes ou quatre, selon l'époque ; Moyenâgeux I et Moyenâgeux II étant à l'origine séparés de cinq cents ans (après le grand crash du calendrier en 2003, les cinq cents ans se sont réduits à deux cents et des poussières, mais dans tous les cas cela fait une paie). A l'est, il y a des montagnes, à l'ouest la mer, et de l'Autre côté de la Mer tout un tas de barbares dont l'organisation politique reste assez floue et de toute manière n'intéresse personne.
Moyenâgeux I racontait la guerre entre ces barbares et l'Alliance des trois royaumes de la plaine, la Sumadie, la Manidie et la Médilore ; auxquels venait s'ajouter le petit peuple des Mengaliens, sorti de nulle part et théoriquement même pas indépendant, mais dont le jeune et enthousiaste roi Zago réussissait quasiment à gagner la guerre à lui tout seul. Voici grosso modo les faits, de la bouche d'Aminé, soeur de Zago, qui assumait la lourde charge de Narratrice :

Je n’avais jamais su grand-chose à propos de cette guerre. Il faut dire aussi que même si mon pays, la Manidie, y était officiellement impliqué, notre reine se contentait à l’époque d’une certaine passivité.

On l’appelait la Guerre de la Mer, parce qu’il faut toujours donner des noms aux guerres, ne serait-ce que pour faciliter la tâche des historiens qui auront quelques siècles plus tard la mission d’en faire la chronique. Mais les pessimistes l’appelaient aussi la Première Guerre, car il était probable que ce ne fût pas la dernière.

Tout ce que je savais à propos de cette guerre, c’était qu’elle avait commencé loin de chez nous, en Sumadie, à cause d’une histoire d’amour malheureuse : Kativo, le second fils du roi Vendo, avait eu la fort mauvaise idée de tomber amoureux de la princesse Almira, la jeune épouse de son frère aîné Meldo, l’héritier du trône.

            Si les protagonistes n’avaient été que deux paysans des montagnes de Sumadie, l’affaire n’aurait été qu’un potin de village sans conséquences aucunes ; au pire, elle se serait terminée chez le juge, mais elle ne serait pas allée plus loin. Mais en l’occurrence, il s’agissait de deux fils de roi, dont l’un ne tarda pas à monter sur le trône à la mort de son père.

            Une fois couronné roi, Meldo avait donc enfermé sa femme dans une tour, exilé son frère au-delà de la Mer, et avait déclaré l’affaire classée. Mais l’histoire ne s’était pas arrêtée là, au contraire. Kativo, brûlant du désir de se venger, s’était réfugié auprès du roi Wegdno, le chef d’une des tribus barbares de l’autre côté de la Mer ; à grands renforts de ces petits cadeaux dont on dit si bien qu’ils entretiennent l’amitié, il n’avait pas tardé à devenir le meilleur ami de ce Wegdno et son premier conseiller ; et bientôt, sur le conseil de son nouvel ami, le roi Wegdno levait des armées, soumettait toutes les autres tribus barbares d’au-delà de la Mer, devenait le roi de tous les barbares, et déclarait aussitôt la guerre à la Sumadie.

            A cette nouvelle, Meldo avait demandé une alliance à ses voisins, qui étaient le roi Georges Ier de Médilorie et notre reine à nous, Zoé de Manidie. Et la querelle fraternelle avait dégénéré en guerre fratricide.

Après quelques batailles plus ou moins violentes, Kativo et son armée barbare, après avoir franchi la Mer, avaient fini par parvenir dans le pays de Niuva, en Sumadie inférieure, et infliger une cuisante défaite aux troupes sumadiennes ; Georges était accouru à leur secours et avait donné une bonne leçon à Kativo, mais Meldo s’était malencontreusement fait tuer dans la mêlée. Kativo, en retirant ses troupes de l’autre côté de la mer, en avait profité pour enlever la reine Almira, l’épouser et l’enfermer dans une autre tour, la première ayant été démolie dans la bataille.

Le roi de Sumadie était à présent Sendo, le jeune frère de Meldo et de Kativo ; et il était fermement décidé à poursuivre la guerre de ses aînés. Il avait choisi, comme de juste, le camp de Meldo, et depuis, la guerre se poursuivait tranquillement entre un côté et l’autre de la Mer, sans parvenir à donner la victoire à un camp ni à l’autre. Nous autres, au Port, nous étions à peu près tranquilles, aucun des deux partis ne s’intéressant à la pêche. Sendo nous avait juste formellement défendu de réparer les bateaux de Kativo ; et Kativo nous avait strictement interdit de ravitailler les navires de Sendo. C’était tout. Mais cela n’allait pas durer...

Il y avait donc une reine en détresse, un méchant drôlement méchant (j'avais pris italien en troisième langue et "cattivo", ça veut précisément dire "méchant"), un roi barbare désespéré de ne pas pouvoir vivre dans un pays civilisé, des allers-retours en bateau, des évasions, des coups sur le crâne, et même un labyrinthe. Ce n'était pas très développé ni politiquement ni psychologiquement ni stratégiquement, mais c'était très drôle. J'ai encore un faible pour le personnage de Zago, roitelet aux ambitions bien au-dessus de ses moyens mais qui finissait par arriver à ses fins à force de mettre les pieds dans le plat et de traiter de haut les autres rois qui, pour leur part, le considéraient plus comme un olibrius qu'autre chose.

Si bien qu'il y a deux ans, pensant que cette histoire méritait d'être développée, j'avais même commencé une nouvelle version de l'histoire, à la troisième personne cette fois pour ne pas restée coincée dans le point de vue d'Aminé et pouvoir aller dans toutes les directions ; l'entreprise n'est jamais allée bien loin (elle s'était arrêtée au bout de deux pages du chapitre 1, pour tout dire), malgré un léger sursaut il y a quelques mois qui m'a au moins poussée à dessiner les personnages.


Zago, Aminé et le fiancé de ladite (au grand dam de Zago qui se passerait bien de ce beau-frère-là)


Publié dans Les autres histoires

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K
Grrrr... Je passe trop de temps sur ce blog moi, au détriment de mon temps de travail officiel. C'est que ton cerveau en fusion et en irruption permanente nous pond tellement de choses qu'on a jamais fini d'en faire le tour.
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A
Koulou ! Quitte ce blog immédiatement ! Va travailler ! C'est un ordre !